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Adèle Chartier
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1 décembre 2013

NOUVELLE INEDITE : "Prise de vitesse"

Le vélo avale les pavés. Les rayons brillent au soleil et renvoient les reflets sur les murs de briques rouges. Tic tic tic… C’est comme un laser de boîte de luit.

Ding, ding - coup de sonnette furtif. Les passants empiètent sur la voie, et tout le monde sait bien qu’à Amsterdam, le vélo est roi. Il ne ralentit pas, trouvant encore le moyen de pousser un peu plus sur ses pédales.

 

Jan sort de chez le médecin. Une brise légère ébouriffe ses cheveux noirs. Il a dans sa poche une enveloppe, et dans cette enveloppe des analyses de sang. Jan avale l’air, emplit ses poumons d’oxygène. A sa droite, le canal porte les bateaux, tranquille.

Odeur sucrée. C’est de l’herbe douce. Jan s’arrêterait bien fumer un peu dans un coffe shop, mais se ravise - il veut poursuivre sa lutte hallucinée. Manger des kilomètres et partir vers le sud. Il suit la Spuilstraat, puis débouche sur la Singel. Il a l’impression que le papier, glissé dans sa veste, brûle sa peau, à travers son fin pull.

Il l’a lu dans la salle d’attente. Il l’a lu sur les marches du perron du médecin. Il l’a lu debout, près de son vélo. Mais trois fois ne peuvent mentir, et ses yeux n’ont pas inventé ce mot, lancé en pleine face - positief. Pas besoin de traduire pour comprendre, et lui a compris qu’à partir de cet instant, sa vie ne serait plus comme avant.

Ni avec Piet, ni avec ses amis, ni avec sa famille. Ni même avec lui-même.

Le voilà sur la Vijzelgracht. Il arrive au rond point, l’un des seuls d’Amsterdam. Il voit le tram arriver au loin. Combien de gens, assis comme des sardines dans une boîte de conserve ? Combien de malades, de bien portants ? Désormais, le monde est ainsi cloisonné, dans sa tête : il y a les condamnés, et ceux qui ont bénéficié d’un sursis. Mais tout le monde va mourir. 

La Stadhouderskade est passante. On quitte l’hypercentre pour se diriger vers la périphérie. Jan a les yeux embués de larmes, et il voit trouble, comme quand la brume se lève sur les canaux. Il ne voit pas le camion arriver à sa gauche.

Klaxon. Coup de frein. Cris de la foule. Et bruit sourd. Tout s’enchaîne très vite. Comme pour la découverte d’une maladie - la seconde d’avant, tout allait bien aussi.

Jan est à terre. Il ouvre à demi les yeux. Un homme est penché sur lui, un homme musclé, en marcel. Attroupement des gens qui ont tout vu. Regards d’effroi. Il sent une douce chaleur monter en lui. Il ferme les yeux pour ne plus entendre le bruit. Pourquoi s’inquiètent-ils ? Tout va bien. Piet, maman et papa ne sauront jamais rien. Ils ne le verront pas agoniser.

Le voilà parti en paix.

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Adèle Chartier
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