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Adèle Chartier
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20 septembre 2014

Extrait d'Une nuit : André et Monique

            Il ne pouvait se résigner à entrer chez lui, à allumer le lustre de la chambre, à tout balancer à Jeannette. Il se voyait le faire - « J’ai un truc à te dire Jeannette » ; elle s’assiérait complètement dans le lit ; « J’ai une maîtresse » ; elle le regarderait avec effroi, avec horreur, elle blêmirait sans rien dire ; il prendrait sa tête dans ses mains et s’effondrerait sur lui-même ; « je suis un misérable ! ». Mais il n’en avait pas la force.

            De rage, il tapa sur son volant, ce qui n’eut pour seul effet de lui faire mal. Et de klaxonner.

            « Oh le con », siffla-t-il entre ses dents. Il attendit, mais aucune lumière ne s’alluma, dans aucun pavillon. Il attendit quelques instants, puis remit le contact, et s’éloigna lentement, en regardant dans son rétroviseur son pavillon crème s’éloigner, puis disparaître à l’angle de la rue endormie, derrière les troènes.

            L’avantage, c’était qu’il n’était attendu nulle part. Pas besoin de décider : il n’avait qu’à rouler, jusqu’au petit matin. Errer comme une âme en peine…

            Ou alors…

            Il reprit la route de Paris.

 

*

 

Les mains cramponnées sur le volant, il jetait alternativement son regard vers la droite et vers la gauche. Une brindille dans un talus, voilà ce qu’était Monique, une brindille. La ville grouillait, fourmis rouges, fourmis noires, creusant galeries et terriers, et il n’était pas possible, dans cet amas vivant, de détecter Monique, les yeux noisette de Monique, l’accent Ch’ti qui revenait quand elle s’emportait – rarement – les tâches de son du nez de Monique, tout cela s’était évaporé, mêlé aux brumes de la ville.

            André s’inquiétait. Monique devrait être là, quelque part. Monique ne dormait pas dans son lit, en banlieue est. Monique devait être en ville, et Monique n’y était pas. Cela faisait trois quarts d’heure qu’il cherchait. Il avait fait tous les lieux où elle allait habituellement, rue Saint-Denis, place de la République, et même au Bois de Boulogne. Il savait que c’était son endroit de prédilection et l’avait fait en dernier, en jouant sa dernière cartouche. Mais Monique n’y était pas.

            Alors, il s’était mis à errer dans les rues, à arpenter plutôt la rive droite que la rive gauche, les avenues, les boulevards, les petites rues. Il s’était glissé lentement vers les hauteurs de Montmartre, était redescendu, et c’était là qu'il avait frémi.

 

            Un dos.

            Une démarche.

            Un style.

            Monique.

 

            Il klaxonna. Il redoubla d’intensité. Tant pis pour le tapage. Monique se retourna, surprise et était prête à s’enfuir en courant.

            Puis elle s’arrêta. Elle se tassa.

            Et elle fondit en larmes, Monique.

            Ma petite Monique, c’est moi, ne pleure pas.

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Commentaires
J
Un extrait plus court, moins fort dans l'émotion que les précédents extraits de ton nouveau roman mais malgré tout, très bon à lire ! J'ai hâte de lire l'histoire de ces deux personnages dans son intégralité.
Adèle Chartier
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